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les articles sur le vitrail, succèdent à des pages de croquis mémoires ou vise versa dans le but de ne pas fatiguer le blogueur.

QUIMPER CATHEDRALE BAIE 123 DU TYMEUR



Baie 123, dite « Vitre de du PLESSIS ERGUE » ou  « Vitrail du TYMEUR » (1)P



    Sur les 12 m2 de cette baie, seul 2,7O m2 sont anciens et de la fin  du XVe siècle si l'on s'en tient à ce que cette baie est à sa place d'origine, et qu'en 1469 les meneaux n'étaient pas encore  posés.

ci-contre la verrière avant restauration
Au dessus, après restauration.


    Cette « verrière, »  de quatre lancettes trilobées, que j'appellerais plutôt " du Plessis Erguè", aurait été rétablie, au XIXe siècle, d'après un aveu de 1750.(2)

Ce qui reste des vitraux d?origine

     Les vitraux d?origine occupent les quatre têtes de lancettes de cette baie avec des dais architecturaux, sur fonds, de couleur bleue aux extrémités, et, rouge au centre, ainsi que trois des quatre panneaux, b3,c3,d3, les plus à droite et au-dessous de ceux cités plus hauts. photos ci contre

    Une cinquantaine de pièces, pas du tout dans le ton, y avait été incorporée en 1874 par l'atelier Lusson, pour remédier à des manques. De nombreux plombs de casse, parfois voulus, dans les pièces neuves,
 gênaient la  compréhension de l'oeuvre ancienne.(3)

    Le décor architectural des têtes de lancettes.

    Comme il est de tradition, ce décor est le même pour  chaque lancette de cette baie, et, nous ne sommes pas encore << au vocabulaire ornemental de la première renaissance qui pille avec ivresse les motifs de l'architecture antique et son répertoire mythologique.>>(4) qui inondera notre région moins de trente ans plus tard. Et nous sommes aussi, loin des dais des fenêtres hautes du ch?ur (1417-1419) qui emplissaient de leurs décors architecturaux, bien plus lourds, la largeur des lancettes des baies, ne laissant aux bleus et aux rouges des ciels ou fonds que les épaulements  et les têtes.

    Ici, la légèreté de l'édifice architecturé s'est imposée avec ses échappées sur un ciel bleu ou rouge. La lumière qui l'anime par ses gris et ses clairs vient de l'ouest, cette fenêtre étant située au nord, et encore ce principe n'est pas totalement appliqué, le peintre préférant ici et là faire ressortir un élément avec une lumière contrastée.

C'est la baie qui présente un décor architectural le plus aéré de la nef.

    Le clocher-tour, coiffé d'un fleuron, que l'on retrouve dans certaines baies du  ch?ur, repose sur ce qui pourrait être la partie haute, à pans coupés et percée de trois baies gothiques, d'un ch?ur soutenu par deux arcades  et contreforts. Le fronton avec pinacles masquerait une toiture.

    Un deuxième fronton en anse de panier, avec un gâble central surmonté et accompagné de fleurons, repose sur deux culées, tandis que la partie centrale, qui vient en avant, est supportée par deux culs de lampes en crochet. Dessous, dans le panneau inférieur, apparaît le ch?ur, de sens opposé à la partie supérieure, avec son cul en pendentif sous une clef de voûte gothique

    Devant une tenture, ou rideau, avec galon en courbe, laissant entrevoir ce ch?ur, sont saint Jean-Baptiste, une Vierge à l'Enfant et saint Michel l'Archange. Le premier et le dernier présentent une donatrice et un donateur dont l'apport du XIXe siècle offre malheureusement des visages : celui de saint Jean,  celui de la Vierge et  celui de son enfant, et celui de saint Michel. Ils ne sont pas dans l'esprit de cette fin du XVe siècle, bien que ceux de la donatrice et de la Vierge pourraient induire en erreur plus d'un.

    Le ch?ur, assez profond, en pans coupés, présente trois baies en anse de panier, d'esprit roman pour la Vierge Marie, et, agrémentées, pour les deux autres de meneaux et réseaux gothiques. Cette façon d'opposer deux époques, nous l'avons relevé dans l'Annonciation et le Mariage de la Vierge de "Concarneau"(.5)

    Les voûtes, bleues pour saint Jean, grises pour la Vierge et rouges pour saint Michel, nous offrent des nervures et doubleaux où le jaune d'argent joue en deux teintes par l'apport de grisailles lors d'une deuxième cuisson. Cela n'est pas sans rappeler étrangement le décor des voûtes du ch?ur et de la nef de la cathédrale, découvert lors des dernières restaurations. Pour deux de ces voûtes, le jointoiement des pierres, particulièrement sur la rouge, est indiqué. Quelque chose qui encore peut faire penser à la voûte de la nef, mais avec des joints noirs à la place de blancs.
   
 
    Deux galons de tentures sur trois portent un texte en écriture gothique : << Sanctus Michael ora pro nobis >> et <<>> tandis que pour la Vierge à l'Enfant, seul un décor, de perles et de losanges ou doubles gables, l'anime.

On pourrait se demander lorsqu'on relève la couleur et la simplicité, de la voûte du ch?ur de la lancette de la Vierge Marie, simplicité ajoutée à celle des baies et du bandeau, si l'artiste n'a pas voulu appuyer délibérément sur un esprit d'austérité. Les galons avec textes doivent-ils faire reconnaître les saints ? Je ne le pense pas ici. C'est dans la tradition, et la hauteur de 15 à 18 mètres ne peut permettre de les déchiffrer, alors que leurs attributs sont très visibles.

    Les tentures sont, de couleur verte pour saint Jean-Baptiste, de couleur rouge pour la Vierge et bleu pour saint Michel. Chacune présente un damas(6) de dessin différent posé sur la face extérieure. Leur couleur, chez la Vierge et saint Michel correspondent bien à celle de la tête de lancette. Ce n'est pas le cas chez saint Jean.

    Cela se produit parfois, et nous le verrons dans les autres baies. Cela découle de l'habit principal du personnage.



    Saint Jean-Baptiste.

    Le premier panneau ancien de cette rangée qui a subsisté jusqu'à nous,  et faisant suite à un saint Patern du XIXe siècle, est un saint Jean-Baptiste.

    Dans ce panneau, le b3, comme nous l'avons signalé plus haut, seules, sa tête, la tête de la donatrice et sa main gauche ne sont pas d'origine. Il porte un manteau rouge sur une robe jaune serrée à la taille par une ceinture bleue. Echancrée au cou, sur une chemise d'une teinte jaune plus claire, cette robe, faite de peaux de bêtes, peut être de chameaux, et dont les poils s'échappent ici et là de la trame, a la particularité d'offrir un col gauche rabattu sur le côté avec un bouton à l'extrémité. La boutonnière devant le recevoir existe sur la droite. Trois autres boutons ferment plus bas ce vêtement.(7) Une ceinture du même bleu que le Livre serre la taille. De sa main gauche, saint Jean Baptiste tient ce livre qui a une couverture bleue et une tranche dorée, et sur lequel repose l'Agneau tenant entre ses pattes une croix avec oriflamme. La comparaison avec la baie d'en face, la 124, où est présent un second saint Jean-Baptiste, également du XVe siècle, mais plus complet, si ce n'est, malheureusement, le visage et l'Agneau, nous permet de relever deux styles différents et par là,  confirmer la présence de plusieurs ateliers de peintres verriers.. 


     La Vierge à l'enfant Jésus.

   
    Ce sujet est repris deux fois dans la nef. Dans la baie 129, où il ne reste qu'un panneau, le C2, l'enfant Jésus y est en très bas âge.

 Ici, il se tient droit, bien assis sur le bras droit de sa mère, seul élément subsistant des parties visibles du corps de la Vierge.
   
Cette main de la Vierge, aux grands doigts, sort de la doublure d'un manteau bleu au liseré décoré de perles relevées de jaune d'argent, comme la petite ceinture perlée qui sert obliquement, à la taille, la robe violette de celle ci.

     L'enfant porte un nimbe, avec trois rayons de lumière, tandis que sur celui de Marie se détache une couronne très ouvragée avec serre-tête décoré de perles de toutes tailles et  de diamants rectangulaires. Au dessus de ce serre-tête, règne une forêt de fleurs de lys, on en dénombre huit, cinq en clair, trois en noir, sur lesquelles l'artiste s'est défoulé, leur allongeant démesurément la tige en y ajoutant des pousses. Les enlevés au bois jouent avec le trait noir, le tout sur jaune d'argent.





    Saint Michel l'Archange.



    De cet archange, ici intercesseur ou saint patron d'un chevalier de Ty Meur, il ne subsiste pas grand chose des pièces d'origine, en dehors de ses ailes, le nimbe, le serre-tête rouge avec croix frontale et le côté droit de son armure: plastron, épaulier, arrêt de cuirasse décoratif et mal posé, cubitière, canon d'avant bras et gantelet serrant un bâton crucifère.


    Le verre, sa palette de couleurs, l' habilité de sa coupe.

    L'atelier, qui nous intéresse pour le moment avec cette baie 123, possède une habileté dans la coupe du verre hors du commun. Cela se retrouvera plus ou moins auprès des autres baies, et se remarque ici avec certaines pièces d'architectures des têtes de lancettes.


    La palette de couleurs,
Malgré le peu de panneaux qui existe encore, elle est très riche, avec au moins trois bleus dont deux plaqués sur blanc. Le rouge plaqué, car il ne peut exister autrement, offre des teintes différentes suivant l'épaisseur du verre ,incolore et celle du placage. Les jaunes sont au nombre de trois dont deux proches de ceux utilisés au XIII(e). Rareté, l'un d'entre eux est plaqué. C'est le cas de la robe de saint Jean. Les autres, teintés dans la masse, sont utilisés pour sa chemise et le bandeau portant le nom de saint Michel et son armure. Les verts, de trois sortes vont de la robe de l'enfant Jésus, aux baies gothiques et à un élément des ailes de l'Archange. Celles ci sont faites aussi d'un gris violacé, cousin du gris de la voûte de la baie de la Vierge.

    Un verre incolore, très légèrement vert, sert pour les architectures des têtes de lancettes et pour quelques pièces encore existantes telles que la main de Jésus posé sur celle de sa mère, l'Agneau, le liseré de la robe de Marie, sa mèche de cheveux, sa couronne - nimbe, et le bâton crucifère de saint Michel.

    L'épaisseur des verres est très variable, de deux à trois millimètres sur la même pièce, les verres incolores dans cette baie étant plus réguliers

    Malgré cinq cents ans d'âge, ces verres sont dans un état satisfaisant. Les cratères sur la face extérieure sont très légers, la couverte de jaune d'argent les ayant protégé là où cette teinture a été posée. De plus l'apport d'une légère grisaille sur cette face, pour accentuer certains reliefs, n'a pas été négligeable. Sur la robe de saint Jean Baptiste, ces cratères ont cependant réussi à faire sauter le plaquage en six ou sept endroits. Il est possible que cela soit dû à la qualité du verre  trop riche en potassium. Des gravures à l'archet(13), il y en aura très peu dans cette nef, ne sont présentes que sur le rouge du serre-cheveux de l'Archange. 


         Quelques marques de repères d'assemblage ont été relevées sur la face extérieure des têtes de lancettes. Les pièces étant identiques d'une lancette à l'autre,  le dessin et la coupe étant reproduits quatre fois pour les quatre pièces centrales et huit fois pour les autres dans les dais de cette baie, cette démarche se comprenait.

    Le dessin, ou peinture, est d'une grande habileté et d'une connaissance approfondie de l'utilisation de la grisaille, ici brune, posée au trait, au pochon, au lavis, avec des enlevés au bois, à la brosse dure, au pochoir et à la pointe. Souvent le trait noir est doublée d'une lumière, qui est un enlevé de grisaille avec un bois..

    Le jaune d'argent passe de l'orange au citron acide, très bien posé sur le dos des architectures des dais, un peu moins sérieusement sur les autres pièces. C'est le cas de la couronne de Marie. La différence de teintes provient de plusieurs éléments dont le peintre n'est pas maître: la texture du verre qui peut être modifiée d'une partie à l'autre du plateau, de son épaisseur, et de sa cuisson. Cette différence de teintes entre les pièces ne semble pas gêner le peintre puisqu'il les a conservés. C'est un usage très courant du XVe et du XVIe siècle dont les dernières années présentent quand même un grand manque de maîtrise ou de liberté de l'auteur. Cela présage de la décadence du vitrail.

   


    Les rapprochements possibles,


    Les dimensions des pièces de verre des dais suivent un rythme en hauteur que l'on retrouve dans les fenêtres hautes du ch?ur de cette cathédrale, mais aussi dans de nombreuses autres verrières du XVe et du tout début XVIe, pour ne citer que Sainte - Cécile en Briec, Finistère,  Le Pénity en Locronan, Finistère et Concarneau, Finistère.

    Pour ces deux dernières et notre baie 123,  nous pensons qu'il pourrait s'agir d'un même atelier ou d'un même peintre, car la façon et de poser et de travailler la grisaille offre une même sensibilité. Cela pourrait être corroboré par la façon de traiter les voûtes, et la juxtaposition des baies romanes et gothiques qui se retrouve à Concarneau. Les deux lancettes encore existantes du Pénity ne suffissent pas à étayer cette proposition. Mais cette façon d'offrir simultanément du roman et du gothique est peut être aussi un style d'école.
   
    Cependant, il y a un autre détail en faveur de ce rapprochement. La main de la Vierge a un traitement du dessin, par de petits traits successifs, que l'on retrouve dans le visage de la Sainte Catherine du Pénity.

    Mais il pourrait s'agir de pièces de repique du début du XVIe siècle. Des tempêtes en 1524 et 1525 endommagèrent les vitraux de la cathédrale. Ils furent réparés par un Jean Quéméneur dont on ne sait rien d'autres si ce n'est qu'un autre Quéméneur, mais au prénom de Thomas, sévissait vingt ans plus tard à Morlaix.

    La possibilité d'une repique plus tardive, à Locronan et à Quimper, pourrait être envisagée si l'on prend le cas d'un Jean Le Corre qui, en 1579  à Quimper puis en I588 à Locronan, répara les vitraux. Mais j'en doute à cause du style de travail incompatible avec l'époque.8

Notes,

1,R.-F. Le Men, Monographie de la cathédrale de Quimper, XIIIe-XVesiècle, Quimper, 1877,p.144,.donne cette première attribution ou titre, et abbé A. Thomas, Visite de la cathédrale, 1892, du même, La cathédrale de Quimper, 1904. le second, p.47..
2, Pour Plessis Ergué, R.-F Le Men, op. cit.,p.144. se reporte sur <<un aveu de la seigneurie du Plessis - Ergué, en la paroisse d'Ergué - Armel, fourni au roi, par demoiselle Charlotte d'Appelvoisin le 14 août 1750 >> Quant à l'abbé A. Thomas, op. cit. p. 47, il se base sur les armoiries du chevalier, de restauration XIXe
3, Registre de Boisbilly- Aymar de Blois, 8 L1, Arch. Dioc. Quimper. p. 19.<< vitrail donné par les Sires de Ploeuc de la branche aînée, maintenant éteinte, Baronnie de Kergorlay, sieur du Ti-meur près Carhaix et du Plessis-Ergué, paroisse d'Ergué-Armel et indiquant l'enfeu de la terre du Plessis. Il est fort endommagé, par le bas, on n'y voit plus l'effigie de ces seigneurs remplacée par des vitres blanches, mais on remarque dans ce qui en reste le haut des images de Notre-Dame, St Michel et St Jean Baptiste>>
4, Roger Barrié, Thèse page 76
5, Vitrail du XVe actuellement en l'église de Concarneau.
6. Damas, ici fait au pochoir, soit en cuivre soit en parchemin.
7. Il semble qu'il n'y ait pas en ces XVe et XVIe siècles une règle concernant l'emplacement des boutons et par là, des boutonnières, droite ou gauche indifféremment.
8, de Guilhermy. Op. cit. p. xcix. Il donne  La Vierge portant son fils ; saint Michel en guerrier assistant un chanoine. Devons-nous voir en un donateur en cotte blasonnée, saint Jean-Baptiste assistant ce donateur, la donatrice que le XIXe a donné. De Blois ne parle que du haut du saint Jean-Baptiste. Lequel des deux a fait son relevé le premier ? Il semblerait que c?est de Blois. Mais !


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