Sainte Marthe protectrice d'une épouse de Lézongar.
J?ai posé ce mot d'épouse, car nous n?avons aucun renseignement sur ce fait. Elle porte bien cependant les armoiries des Lézongar. Elle est placée ici dans la même baie que son éventuel époux.
Il ne fait pas de doute que c'est la même main qui a peint les deux personnages. Cette façon de travailler ne se retrouve dans aucune baie, encore présente dans la cathédrale, bien que nous ayons trouvé que les pièces des colonnes, du moins ce qui nous en restait, étaient identiques à celles de la baie 129. Nous verrons plus loin quelques analogies avec la baie 123.
La place de cette dame ?
Elle est bien dans cette baie. L' aveu relevé par l'historien Le Men le confirme. Mais est-ce bien l?épouse de ce Christophe. Et Ronan, s'agit-il de son frère ou de son fils ? Ils sont tous deux chevaliers en 1495, date assez proche de celle que l'on pourrait attribuer à cette baie.
Nous ne connaissons pas son prénom. Avons-nous le droit de lui donner celui de sa sainte protectrice ? Comme le dit Emile Male, il y a bien une raison pour que le donateur ou la donatrice ait choisi leur protecteur.
Témoignage de sa présence à la cathédrale.
A signaler les quelques lignes d?Auguste André , fin XIXième, sur la présence dans la chapelle de la Victoire avec d'autres panneaux d?une<< Marguerite de Lézongar, dame de Kerméno, présentée par sainte Marguerite, vêtue mi-partie de gueules à 3 macles d?argent et d'azur, à la croix d'or cantonnée d'une fleur de lys d'or ; ce dernier parti se retrouve sur l?un des personnages représentés dans une fenêtre du transept méridional : ce sont les armes des Lézongar ; les vêtements et les tentures sont de brocard, dont les dessins sont rendus sur la vitre avec la plus grande richesse.>>15
Est-ce bien la même dame de Lézongar ?
A-t-il confondu sainte Marguerite avec sainte Marthe ? D?où tient-il ses renseignements ? Il l'indique.16 Entre autres, il cite De Blois avec la nouvelle édition du Dictionnaire d'Ogée. Je n'ai rien trouvé aux pages indiquées.
Une Marguerite de Lézongar existait bien, fille de Jeanne du Fresne, morte en 1538 et première épouse de Roland. Elle ne pouvait porter les armoiries décrites.
Dans ces deux panneaux, l?ensemble des pièces anciennes est arrivé jusqu?à nous.
Description de la scène.
Cette scène est dominée par un choeur rouge avec voussoirs en anse de panier et clef, reposant sur les sommiers de deux colonnes et trois baies en verre bleu dont les deux extrêmes possèdent deux lancettes trilobées semblables à la lancette précédente.
Les mains jointes, comme beaucoup de pièces voisinent des ferrures,(barlotières) ont disparu. Cela est dû à la rouille qui ,en gonflant, les brise.
. Le rideau, ou tenture, dont le galon se courbe vers l?intérieur, est de couleur verte à damas intérieur. Il est exécuté sur du verre soufflé en plateau. De celui-ci, nous avons pu exécuter, sur la face extérieure, un relevé des courbes parallèles et ce travail nous a permis d?estimer que ce plateau de verre avait un diamètre d?un minimum de soixante seize centimètres.
Cette dimension de plateau se retrouvera dans d'autres bais de la cathédrale.
Sainte Marthe Nimbé de jaune au XIXe, le visage de sainte Marthe, en verre incolore,17 se baisse vers la donatrice. Il est encadré de longs cheveux,18 au jaune d'argent, qui tombent sur les épaules des deux côtés. Ils sont maintenus sur le sommet du crâne par un serre-tête.
Son manteau de couleur rouge est agrémenté du damas sur la face extérieure, avec les défauts de cette solution qui apporte sur la grisaille une culture de champignons. Ce vêtement est bordé de passement blanc perlé. Des éléments d?une robe bleue à emmanchures jaunes sont encore présents.
De la main droite, cette sainte tient une petite croix, en verre jaune, qui porte aux extrémités des boules tronquées égayées de perles.
Sa main gauche repose sur l'épaule de la donatrice.Nous avons relevé au dos de la pièce de verre utilisée pour son visage, une marque de gravure, qui semble indiquer l'axe du milieu du panneau.19.
Le galon supérieur du rideau, de forme concave, ne porte pas de texte mais une succession de graphisme qui utilise des losanges carrés encastrés les uns dans les autres, losanges entourés de perles et de ronds concentriques.
Le prie-Dieu, qui possède deux petits pieds, se présente de trois quart. Sa structure qui imite ici le faux bois, est de couleur mauve. Il est recouvert sur la tablette supérieure d'un petit tissu rouge sur lequel est posé le livre d'où pendent deux fermoirs ou sceaux. Le dessinateur, épris de réalisme, y a indiqué le tenon de la traverse horizontale.
La donatrice A genoux, la possible Marthe de Kermeno, épouse de Lézongar, porte une coiffe. aux parties rabattantes, qui encadrent d?habitude le visage d'une jeune épousée, et tombent jusqu'aux épaules, Ces pièces de la coiffe sont de couleur violette. Quant au fond de cette coiffe, c'est une résille, ou filet, faite de losanges agrémentés de perles à chaque intersection et aux centres.
Un double collier torsadé d'or supporte un gros bijou ovale au centre rouge, qui pourrait bien être un camée. Celui ci repose sur un chemisier à poils, probablement d?hermines 20 s'ouvrant sur le devant, comme l'indique la présence de deux boutons, au-dessous du bijou.
La robe, violette à l'origine, cède la place, à hauteur de ceinture, aux armoiries des Lézongar et des de Kerméno, sans pour cela perdre sa texture de robe, avec ses plis, ses ombres. La pose agenouillée de la donatrice repoussent vers l?arrière la croix d'or de l?époux. La coupe de la pièce de rouge centrale, encore dans les trente centimètres, est d'une très bonne qualité de coupe avec ses redents, et ses incrustations. Malheureusement les grisailles posées aux dos pour l'ombrer ont accéléré le phénomène habituel d?altération. Les deux macles d?argent visibles sur cette partie de robe nous offrent aussi cette dextérité avec chaque fois un chef-d'oeuvre lors de la double incrustation du losange rouge dans le macle blanc, puis dans le verre rouge de la robe. Cette dextérité se retrouvera dans des pièces encore bien plus compliquées et plus fragiles des dais. La Tarasque Derrière, en position verticale, empiétant sur la robe, et bien mal restauré, il en manque une moitié de la bouche, apparaît le tarasque, à l??il jaune incrusté en chef d'oeuvre, Cet animal monstrueux est ici long de plus de trente centimètres, de couleur bleue, avec une aile aux membrures arrondis, du même violet que celui du prie-Dieu.
Du sol, au rouge violet, au dessin à base de demi losanges, proches des gaufrés fréquents dans l?art roman, enlevés au bois sur grisaille, il ne restait que deux petites pièces, à gauche et entre les deux pieds du prie-Dieu. Le restaurateur du XIXe, ou du XXe, je pencherais pour ce dernier, avait proposé un herbage, mauvaise copie de la lancette précédente. C?est pourquoi nous avons rétabli ce sol..
Les dais dont trois d?origine Dans cette baie, trois dais sur quatre sont d'origine et remplissent les trois premières lancettes, dont celle de la Donatrice. Certes ils n'ont pas traversé cinq siècles sans dommage, et présentent de nombreux plombs de casse et de pièces XIXe et XXe.
Ces panneaux, comme les quatre des donateurs devaient être très sales, lors de la dernière restauration ou de la pose d'après la guerre 39-45, car le dais XIXe, comme les quatre autres de la même époque, était recouvert d'une couche d?une peinture d?un gris vert granuleux au doigt, qui n?avait rien à voir avec une grisaille, et qui se révéla difficile à enlever. Exemple de bonne volonté pour atténuer les effets de vitraux plus récents, mais qui aurait pu abîmer les grisailles anciennes à jamais. Même auteur Nous avions relevé plus haut, que les colonnes de cette baie et celles de la 129, avaient une même main comme auteur. Ici, les dais, sont, si ce n'est de la même main, copiés sur la baie 123. L?analyse de la pose des grisailles et la façon de les poser confirme cette hypothèse, comme divers détails.
Même importance des échappés sur le ciel, vertes pour le a3, bleues pour le b3 et rouges pour le c3, et ici encore plus accentuées par les trois ouvertures du second étage, qui sont vides de meneaux. Ces baies vides d'éléments ne sont-ils pas là pour rappeler, qu'avant 1469,21 les baies de la nef étaient ainsi. Cette baie aurait-elle été exécutée avant celles de la nef et particulièrement la 123 alors que pour moi le transept est arrivé en dernier ? En tout cas cet atelier travailla dans le transept et la nef, mais sommes-nous encore tout à fait sûr.
Les ch?urs que surplombent ces dais présentent la même distribution et parfois la même coloration. Cela est remarquable avec le c3 de la 123 et le c2 de celle-ci la 114. La distribution de la lumière. Le principe de distribuer la lumière vient ici parfois de droite, c?est le cas du dais en c4, parfois de gauche, pour le dais d4. C?est semble-t-il au bon vouloir de l'auteur.
Cela va à l?encontre des autres baies, choeur, nef, transept ou la dominante de provenance, l'Ouest, est, en gros, toujours la même, que les baies soient ou Nord ou au Sud. C?est le cas de la baie 123, avec cependant ici et là un élément que le peintre a fait ressortir avec une lumière contrastée.
Comparaison avec la baie 123
Ce dais s'étale sur trois paliers. Au sommet pas de fleuron, mais une boule ovalisée terminant un toit pointu à six pans, comme la 123, dont trois sont visibles, et dont la base est cachée derrière une balustrade courbe composée de fleurs de lys en continu, ou de feuilles d?ache, 22 pour le A3, mais malheureusement aux motifs décapités pour les deux autres. Dessous, une corniche composée de moulures aux talons renversés, puis une petite tour, dont le baie centrale offre deux lancettes trilobées et un réseau. Les deux autres baies, vides, sont à moitié cachées par deux pinacles couverts de boutons. Même processus pour la 123.
Au-dessous d'un vaste parapet percé de créneaux, ceux-ci n'existent pas en 123, et d'où démarrent quatre pinacles dont les deux cités plus hauts, l'édifice prend de l'ampleur avec ses trois baies en claire voie, et ses arcs-boutants accrochés au haut des colonnes montant depuis le socle La 123 a rempli sa baie centrale de deux lancettes trilobées et les deux autres, cachées par un pinacle, dont on n'a que le socle en 114.
Ce parapet, à trois faces, est, entre deux moulures en boudin, agrémenté de graphismes divers : suite de losanges avec perle au centre, pour le c3, suite de doubles cercles séparées par deux perles, pour le a3, et faisceau de figures formée de lignes courbes répété par renversement, chez le b3. Détails que ne possèdent pas la 123.
Cette dernière a simplifié la coupe de la galerie du premier étage qui surplombe le choeur. La courbe court de droite à gauche sans détour. Ce qui n'est pas le cas pour la 114, où la pièce du fronton, avec ses deux culs de lampes, ses deux socles et ses deux moitiés de colonnes, est d?une coupe accumulant les difficultés.
Autre différence, avec dans cette galerie, une suite, entre deux cordons, de petites ouvertures rondes évidées, garnies certaines de deux écoinçons en tête à cu, d'autres de quadrilobes et au centre un seul avec un vitrail losangé.
Lorsque la 123 offre un immense fleuron sur ce fronton, la 114 joue avec des feuilles enveloppées.23 Celles-ci se retrouvent à droite et à gauche du dais de la 123.
A noter quelques pièces gravées dans ces dais. Pour le c3, des 3 inversés sur les pièces de verre bleu, et sur le d3 des g à petite tête et gros ventre.
NOTES 16, références données par Auguste André : De Blois, nouv.éd.du Dict.d?Ogée, II, p.419, 419 ; Philippe-Lavallée, Ass.Bret.,classe d?arch., Congrès de Quimper, séance du 20 septembre 1847, Bull., t.I, 1 re livr. ; p. 25, et supplém. A la 4e livr., p. 263 ; Pol de Courcy, Guide de Nantes à Brest, p.252 et La Bret. Contemp ., p.8. 17, Dans la liturgie, puis après dans l'iconographie chrétienne, le blanc fut attribué aux femmes et aux vierges. Il fut aussi au Moyen Age une couleur de deuil, et de là vient le nom de Blanche de Castille qui vécu un long veuvage. En attendant l'apparition de la sanguine, fin XVe, le violet est utilisé pour les visages, mains, pieds des hommes. Dans cette baie, pour l?Enfant Jésus, le verre incolore est utilisé, il en a été de même dans la baie précédente. 18, Les longs cheveux tombant sur les épaules, signe d?innocence, sont l?attribut des vierges, des jeunes filles. Ils peuvent être aussi une parure mondaine comme pour Marie- Madeleine . Ils indiquent la vie dans le désert, saint Jean-Baptiste, Marie l?Egyptienne. Le Christ, avec ses cheveux longs, se conforme à la coutume des Nazaréens. 19, Cette gravure indiquant le milieu du panneau apparaît souvent dans les baies de la cathédrale. Parfois longue de deux à trois centimètres, elle peut prendre jusqu?à vingt centimètres et passer sur plusieurs pièces successives. De quand date-elle ? Montaient-ils les panneaux à l?envers et axaient ainsi leur panneau pour régler les filets ou les dimensions de largeur ? Cela date-il d'une restauration ? 20, Nous retrouverons l?emploi de l?hermine dans la baie 129. Elle est utilisée entre autre, pour la Vierge dans la baie XVe de Concarneau. L'animal et sa fourrure obtiennent un statut vestimentaire et insignologique lié à l?exercice ou délégation de pouvoir. Ce n'est plus une fourrure mais un symbole, doublure au début, elle passe progressivement de l?intérieur vers l'extérieur. La Bretagne, terre d?Europe. 21.R.F.Le Men, op. cit., p.242, Il nous apprend et nous en découlons qu'il n'y avait probablement pas de vitraux à cette date, lorsqu?une tempête renversa << les cloisons en planches des fenêtres du haut de la nef, du côté de l?évêché.>> 22, Plante appartenant aux ombellifères. Le dessin de sa feuille qui ressemble au trèfle est très employé dans les chapiteaux gothiques.