Lundi tout est gris ans la vieille cathédrale Dans la musique angélique Où cent ouvriers casqués Bâtissent un échafaudage Plus beau que ceux des fusées
Puis chez le maître verrier Le raccommodeur De lueurs anciennes Au fond du faubourg Choisissez bien votre verre Bleu de cobalt rouge manganèse Recouvrez-le de grisaille Laissez sécher Placez dans le soleil Et Maintenant lentement Avec un morceau de bois Des aiguilles des plumes d'oie Ou bien vos doigts Faites fuser des lumières
Avec un pinceau de martre Modelez cette paupière Et la forme du sourcil Et cette ombre de sourire
Passe un compagnon en blouse bleue, une rosace sous le bras, qui perd en chemin des bouts d'anges, de vierges, de rois,de draperies, d'auréoles. Tout est gris sauf leur tintement.
Rien n'est plus triste, père Qu'un vieux vitrail hors de sa place Car sa lumière et lui Etaient inséparables
Sable et cendres font le verre, dit-il Et le désert surgit Où rien ne se gaspille Sinon le temps
Cet instant de cent ans Dans le désert il faut bien Chaque jour sur le chemin Glaner la moindre brindille Si l'on veut faire un feu au soir
Suffit la mélopée
Il faut avoir des défauts Pour faire jouer la lumière Telle est la leçon du verre
Un visage de larron sourit Qui ira au four cette nuit
Compère qu'as-tu vu
Jean Pierre Abraham Véronique Caroff mai 1993 aux éditions Le temps qu'il fait