les articles sur le vitrail, succèdent à des pages de croquis mémoires ou vise versa dans le but de ne pas fatiguer le blogueur.
VITRAIL, CARTONS ET PATRONS.
BSAF 1991, tome CXX, p.189 et suivantes.
L'existence de cartons ou patrons.
Existait-il un fond important de cartons ou" patrons " ou " pourtaits? Les deux derniers ne sont pas propres au vitrail, il désigne une représentation figurée. Il n?en est pas plus du premier. L?école Troyenne du XVIe propose comme mots : " pourtraictz, patrons au petit pied, getz "
Le carton original de vitrail existe ; ?uvre du peintre verrier, ?uvre d?un peintre, agrandissement ou mise à l?échelle d?une gravure.
Il en reste quelques exemples comme le projet de vitrail de Hans Baldung Grien daté de 1512 et dédié à Ursula Zum Trubel, abbesse au couvent du Mont Sainte-Odile et dont le vitrail existe au Musée d?Obernai. (1)
Le carton en Bretagne ?
Plus proche de chez nous, pour Braspart, Finistère, en 1543, dans le contrat pour la verrière sud, le donateur indique bien à Gilles Le Sodec le sujet : un Credo des Apôtres. Mais il n?est rien indiqué sur la façon de procéder l?exécution : copie, création ?
Par contre, en 1607, il est bien indiqué à Nouel Allaire dans le contrat qu?il doit fournir une " Trinité suivant une feuille à taille douce qui lui a été bailli. "
Et autre exemple. En 1626 Yves le Stang, Hervé le Déliou et Ambroise Le Garro signent un marché pour la fourniture des " images " des mystères de la Passion pour les soufflets de la Chapelle de l?Hôpital Sainte-Catherine de Quimper. Finistère, Suite à une expertise, en 1631, on apprend qu?ils ont fourni aussi les " images " de sainte Catherine et sainte Marguerite. Ces images, qui avaient été mises dans deux panneaux, devaient être payés 66 livres tournois. En étaient-ils les créateurs ? On ne le saura jamais.
Capacité des ateliers à se servir des cartons.
Grâce à la façon des premiers cartons, et en plus de l?exécution des vitraux en découlant, les ateliers peuvent être capables de répéter les sujets et cela très vite et en grand nombre. Ces cartons peuvent être conservés et réutilisés, mais en Cornouaille la durée d?utilisation ne dépasse pas les cinquante ans, en étant optimiste. Les exemples de cartons semblables, que nous trouvons, donnent plutôt une vingtaine d?années. Les ateliers, les peintres et leurs réemplois, étalés sur ce nombre d?années, expliqueraient les diverses qualités d?exécutions et l?inégalité de la qualité des verrières.
Les dynasties familiales, comme les Le Sodec, pour la Cornouaille, peuvent facilement aider la diffusion du même patron avec des exécutions de styles proches. La limite actuelle des départements n?est pas de mise dans une étude de leur dispersion. Il faut en revenir aux évêchés de l?époque. Le prêt est possible, dans l?éventualité, d?un atelier à l?autre, hypothèse, assez rare, et pas du tout dans l?esprit actuel de la propriété artistique. Il est vrai que ces ateliers puisent, pour exécuter leur carton, souvent ailleurs.
Il n?y a pas de création véritable. On utilise, sans parfois les copier exactement, les gravures qui circulent alors, pour le XVIe siècle ceux sont celles de Durer qui ont la faveur avec entre autres ses Passions.
Le carton ? peut-il se conserver ?
Le carton est un dessin grandeur nature du projet, indiquant aussi le tracé du plombage, l?emplacement possible des ferrures. L?apparition, dès le XIVe siècle, d?un papier assez rigide et assez grand, dit carton. permet alors la façon d?un carton grandeur nature. Il s?agit de feuilles de papier collées les unes sur les autres La toile est aussi utilisée, plus facile, en la roulant, pour le rangement et le transport. Auparavant, le dessin était fait sur une table blanchie.
Plus tardivement, il semble que des peintres de renom eurent à fournir des cartons sur papiers, ce dernier facilitant le transport d?un lieu à l?autre. On parle de Jean Cousin. On sait seulement qu?il est l?auteur de " patrons au petit pied "
Chaque atelier possèderait donc des cartons à l?échelle d?exécution groupés en collection. A partir de là, il leur est facile d?adapter aux dimensions de la future baie. Les personnages subissent des déplacements horizontaux ou verticaux, se rapprochent, s?éloignent, maigrissent, grandissent, disparaissent sous la main du cartonnier. Celui-ci recompose son carton, probablement par transparence. Cela se retrouve dans les Passions du XVIe, comme à Guengat, Finistère, et Gouézec, Finistère, ainsi que dans les Arbres de Jessé comme Moulins, 35, et Beignon,56.
La copie ou le réemploi d?un carton, problème de déontologie ?
Copier un modèle ne pose pas de problème de déontologie, surtout lorsque la demande du clergé ou des donateurs est pesante et pressante. La répétition des sujets ne fait qu?amplifier le succès d?une foi populaire pour tel ou tel sujet, ou thème iconographique. L?exemple en est en Cornouaille les Passions, qui vient en tête, mais il ne faut pas négliger les Jugement Dernier, les Arbre de Jessé, Les Vie de la Vierge, etc.
Des règles iconographiques sont aussi imposées telles celles pour la figuration du donateur en orant, et il arrive que le même carton, dans la même église serve plusieurs fois, Guengat et Quimper, XVe. Finistère
On trouve dans les archives anciennes des mentions concernant la copie de verrières existantes ailleurs comme à Notre-Dame de Guingamp en 1484. Il y est indiqué à Pierre du Moulin, maître verrier d?y faire une vitre selon la poultraiture estant en une vistre de Malestroit. Cf. MSVAB 1979,p.142.
Nombreux sont les contrats qui demandent l?exécution d?un vitrail " comme celui qui est fait dans l?église de X ", mais l?on a découvert que lorsque, par chance, textes et verrières mentionnés sont conservés, en aucun cas il n?y a eu copie exacte. La part d?interprétation est assez grande. Il ne s?agit alors que de copie interprétée.
Le réemploi de " cartons grandeurs " de panneaux complets figurés est attesté en Alsace dans la seconde moitié du XVe, scènes totalement identiques, de mêmes dimensions mais par des exécutants différents.
La décadence du vitrail est-elle due aux copies répétés des cartons ?
Couffon, dans le MSHAB 1945, donne son avis et indique que " la vogue du carton détermina une fabrication à bon marché et moins soignée, dont la verrière de Gouézec Finistère représente le type. "
Cette dernière verrière n?est pas du tout le cas. Les verrières moins soignées arrivent vingt à trente ans après les originaux, si ,à ceux-ci, on donne la date moyenne de 1540. La qualité des ateliers déclinent très vite, en moins de trente ans.De petits ateliers copient, mais ne savent pas dessiner, la copie devient lourde, naïve. Le réemploi d?un carton n?est pas prouvé. On travaille dans l?esprit, on utilise en les déformants les éléments graphiques ?
Bretagne première région pour le réemploi de cartons de Passions ?
Une quinzaine d?années maximum séparent les deux verrières de Saint-Fiacre du Faouët et de Saint-Nic Finistère. Nous sommes dans cette deuxième moitié du XVle siècle qui a vu éclore, entre autres sujets, de nombreuses Passions dans le Finistère, et dont il nous en reste encore vingt quatre. On peut estimer leur nombre, il y a 400 ans, à plus du double.
Beaucoup d?entre elles se ressemblent et l?appétit des chercheurs bretons des XIXe et XXe siècle en a été stimulé. Ce procédé de reprise de cartons identiques n?est pas spécifique à notre région, et ce réemploi de cartons, autant sur le plan national qu?européen, n?est pas prêt à donner son dernier mot.
Mais je pense que la Bretagne est la première région pour le réemploi identique ou personnalisé de cartons d?un même sujet qui est celui de la Passion.
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Là aussi lorsque, par chance, les textes et les verrières mentionnées existent encore, on remarque que la copie est très libre et que le carton d?origine n?a pas été employé. Ce genre de demande de copie n?est pas souvent attesté en Bretagne, espérons que l?avenir nous en fera découvrir.
Cependant, il est fait mention, au sujet de vitraux pour Notre Dame de
Guingamp en 1484 où il est demandé au maître verrier Pierre du Moulin de faire une vitre selon "la poultraiture estant en une vitre de Malestroit" (Cf.
MSHAB 1979 p 142).
Ici le mot poultraiture est le même que pourtraictz employé dans l?école troyenne du XVle siècle. Il veut dire patron ou carton. Ce n?est pas un mot propre au vitrail mais il désigne toute représentation figurée.
Autre cas en Bretagne cité par Barthélémy, il s?agit de la découverte dans les comptes de la cathédrale de Tréguier d?un contrat avec le maître verrier Noèl Allaire ou Nouel Allayre, dans lequel il lui est demandé d?exécuter sept vitres du chapitre de la cathédrale et cela en 1607, suivant une feuille à taille douce, entendons par là carton, qui lui a été baillé, donc donné.
Ces cartons représentent pour l?un la Trinité avec un religieux embrassant le pied de la croix et pour les six autres une représentation d?un religieux et d?un saint.
D?après certains documents, ce patron ou carton dessiné ou peint devait rester la propriété de l?atelier au XVle siècle et il pouvait l?utiliser à son gré.
Ces cartons étaient-ils des originaux demandés à un peintre ou étaient-ils en provenance d?un fond d?atelier, rien ne nous l?indique. Donc il y a eu des cartons originaux, des transmissions avec copie de cartons et aussi des copies de vitraux.
Qu?en était-il de nos Passions ?
La démarche du chapitre de Notre-Dame de Guingamp a pu se reproduire à Saint-Nic au niveau du Conseil de Fabrique. Mais s?il s?agissait du même atelier, pas de problème, il avait le carton. Il lui suffisait de le remettre à l?échelle, si les dimensions différaient. Cela n?était pas trop difficile, la largeur des lancettes variant peu. Si la largeur n?était pas identique, on utilisait alors semble-t-il ce que l?on appelait des silhouettes ou marcottes. Certains personnages étaient repris en entier sur .des morceaux de cartons que l?on déplaçait dans tous les sens. Parfois ce déplacement du personnage n?excédait pas 5 cm, ce qui fut le cas à Gouézec,Finistère, et cela permettait ainsi une copie du carton original.
Lafond signalait que l?utilisation de ces cartons ne laissait à l?exécutant aucune liberté. Cela ne semble pasetc.é le cas chez nous. Chaque Passion a sa particularité, sa touche spécifique. Le même peintre gardait une grande liberté dans sa peinture, son choix des couleurs, son trait. Il y avait chaque fois invention personnelle qui se découvre dans de multiples détails et qui font la richesse de ces verrières.
Toujours au sujet de ces cartons, Couffon (MSHAB 1945) affirmait que la vogue du carton déterminait une fabrication à bon marché et moins soignée. Il prenait comme exemple la Passion de Gouézec. Nous avons démontré le contraire.
Cette fabrication à bon marché et moins soignée n?a pas existé dans la plus grande partie de la deuxième moitié du XVe siècle. Cependant on pourrait la trouver vers la fin de ce siècle, proche des années 1580 et au début du XVlle siècle. C?est le fait d?une décadence d?ateliers qui ont perdu la qualité picturale du XVle
Les cartons servent plusieurs fois.
1°. L?exemple des Passions de Guengat, Tréguennec, Quéménéven, Gouézec, Guimiliau., ces cinq étant dans le Finistère.
Pour numéroter les panneaux de vitraux, nous employons des lettres et des chiffres. Les lettres inqdique les lancettes : a étant la première à gauche,b la seconde et ainsi de suite : les chiffres indiquent l?emplacement dans la lancette en montant du bas, 1,
Ici au millimètre près. Pour vérifier, nous avions en atelier les calques du plombage, lors de restaurations
Les panneaux a1 et a2 de Gouézec, et les b1 et b2 de Guengat, Fin La tête du saint Jean est plus ou moins rapprochée de celle de la Vierge, suivant le lieu.
Les panneaux b1 et b2 de Gouézec, et les c1et c2 de Guengat, seule la croix a été rallongée dans le premier.
Les c1 et c2 de Gouézec sont à comparer avec les d1 et d2 de Guengat, mais aussi avec les a4 et a5 de Quéménéven.
On peut y rajouter le cas de la Passion de Saint-Nic, Finistère : Saint-Nic-Saint-Fiacre du Faouët Morbihanet Saint-Nic-Saint-Thuriau, Finistère.
Dans la baie nord du transept, à Saint-Nic, Finistère, tous les panneaux, sauf une Crucifixion, sont du même carton que la Passion de Saint-Fiacre du Faouët, Morbihan, auquel il faut joindre un panneau de la baie sud, provenant de la première. Le sujet en est la scène où le Christ recolle l?oreille du serviteur du Grand Prêtre. Toujours à Saint-Nic,dans la baie sud, un panneau représente une Résurrection identique à celle qui se trouve en l?église de Saint-Thuriau, Finistère.
Autre rattachement : la Passion de l?église Saint-Mathieu de Quimper,Finistère avec la Passion de Tourc?h..Le restaurateur XIXe en connaissance de ce fait, a restauré la première et particulièrement la Marie-Madeleine, en s?aidant de Tourch, Finistère.
Autre rattachement, Saint-Nicolas de Pélem, et Tonquédec, Côtes d?Armor. Dans la Passion de cette dernière en D4, la Dérision, Jésus à la tête enveloppée dans un linge comme à Saint-Nicolas du Pélem.,
Les Arbres de Jessé sont aussi dans la course, particulièrement celui de Moulins, en Ille et Vilaine, et celui de Beignon, dans le même département. Si le carton est le même, la dimension des panneaux a changé, les personnages ont été allongés, ainsi que les branches de l?Arbre.
2e. Les donateurs.
L?exemple le plus frappant est la suite des donateurs et donatrices des baies hautes du XVe de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper, Finistère Pour la restitution des parties manquantes de ces personnages, il a suffi de faire un inventaire des pièces existantes. Cela se retrouve pour certains donateurs de la nef et du transept mais est cela moins apparent.
Autre lieu, Guengat, Finistère, où dans la baie 4, elle aussi du XVe, le carton est identique pour les donateurs.
3° Les anges des réseaux.
Le même carton, mais ici inversé, est utilisé lors de la création d?anges soit musiciens, soit avec phylactères, soit de la Passion. Par contre les couleurs changent et en particulier pour les ailes. Bulat-Pestivien, Côtes d?Armor, XVe, Gouézec, Finistère, Notre-Dame des trois Fontaines. Guengat, Finistère.
Un autre cas d?utilisation du même carton est relevé à Pouldavid, Finistère, dans un Jugement Dernier du XVe. Le verrier y a pris ici le principe très courant dans le vitrail des XV et XVIe de se servir du même carton inversé pour ces deux panneaux avec élus, autant pour la découpe des pièces que pour le dessin des personnages qui se correspondent traits pour traits.
1.- Vitraux de France, édition SAEP . Colmar.
2.- Cennino Cennini, Livre de l?Art,(vers 390) Jean Lafond, Le Vitrail.
Les deux chanoines(5), tournés vers la droite, procèdent du même carton, autant pour les pièces de verre que pour le dessin, têtes aux cheveux courts, celle de Guillaume n'est pas ancienne, tandis que la seconde est en verre rose plaqué, mains jointes, livres de prière, prie-Dieu, surplis.